Lorsqu'on parle d’isolement social, on pense souvent à la précarité économique, à l’absence de liens familiaux ou à la perte d’un emploi. La question du transport émerge cependant rarement.
Et pourtant, le simple fait de pouvoir se déplacer conditionne l’accès à tous les autres droits : se nourrir, se soigner, travailler, se cultiver… mais aussi et surtout, entretenir du lien social. La mobilité est donc essentielle d’autant plus que le processus d’urbanisation a conduit à un éclatement des lieux d’activités.
Mobilité réduite : ces freins invisibles qui renforcent l’exclusion sociale
Le coût élevé des transports en commun, l’inaccessibilité physique ou encore les freins psychologiques à la mobilité sont autant d’obstacles invisibles qui fragilisent l’inclusion. Ne pas pouvoir se déplacer, c’est risquer de rester bloqué, physiquement et symboliquement, aux marges de la société.
Quel est le lien entre l’isolement social et le manque d’accès aux transports ? Comment surmonter cet obstacle afin de créer une société toujours plus inclusive ?
Car l’exigence sociale de mobilité a suscité l’émergence d’un droit au transport, défini comme l’accès aux transports en commun, puis d’un droit à la mobilité comme l’accès de l’individu à ses activités quotidiennes.
Ces droits ont gagné en légitimité car ils conditionnent la plupart des autres droits socio-économiques (se nourrir, travailler, se soigner, s’éduquer, se cultiver, avoir une vie sociale) et politiques (voter, participer), ne serait-ce qu’en permettant de rejoindre les guichets qui donnent accès à ceux-ci.
Manque de mobilité : cause ou conséquence de l’isolement social ?
Les personnes isolées sont souvent moins mobiles que la moyenne. Mais la mobilité réduite est-elle la cause ou la conséquence de l’isolement ? La réponse est : les deux.
53% des personnes isolées n’ont pas accès aux transports en commun ou soulignent des difficulté pour y accéder.
D’une part, les personnes isolées disposent de moins de réseaux de sociabilité, que celui-ci soit professionnel, culturel ou amical. De fait, les personnes sont alors moins à même de se déplacer. Perdre l’habitude de la mobilité est entre autres une cause d’une plus faible mobilité chez les personnes isolées.
D’une autre part, les personnes isolées n’ont pas accès aux transports. Selon un rapport de la Fondation de France, 53% des personnes isolées n’ont pas accès aux transports en commun ou soulignent des difficultés pour y accéder, contre 44% pour le reste de la population.
L’inégalité face à la mobilité : des renoncements multiples, impacts cumulés
A l’origine d’une mobilité restreinte se trouvent diverses raisons.
La barrière économique : le coût des transports
La mobilité est restreinte par le manque relatif de ressources économiques. Les prix d’acquisition des titres de transport ou d’un véhicule ne sont pas négligeables. Le prix du ticket de métro à Paris est de 2,5 €, 2,1 € à Lyon ou encore 1,7 € à Marseille.
Finalement, selon un rapport de la Fondation de France, une personne isolée sur trois a renoncé à une activité à cause de difficultés liées au déplacement. Il s’agit le plus souvent (22%) d’une visite à un proche (amis, famille). Environ une personne isolée sur dix a renoncé à la pratique d’un loisir (11%) et 64% renoncent à partir en vacances. Ce facteur économique contribue donc à renforcer l’isolement relationnel.
Moins mobiles, plus isolés : les contraintes géographiques
Ensuite, les contraintes territoriales par l’exclusion et l’éloignement géographique créent un sentiment d’être “loin de tout”, de délaissement et augmentent les difficultés d’accès aux biens et services par les transports en commun.
Les quartiers prioritaires des villes ainsi que les campagnes sont les plus concernés par cette contrainte.
Maladie, handicap : une mobilité empêchée
De même, les contraintes médicales en cas de maladie chronique ou de handicap accentuent le lien entre isolement et mobilité et viennent créer une forme d’assignation à domicile. En effet, 30% des personnes isolées déclarent être concernées par un handicap ou une maladie chronique, 5 points de plus que le reste de la population.
Mobilité et santé mentale : une source d’angoisse pour les personnes isolées
Puis les contraintes d’ordre psychologique sont encore un autre obstacle à la mobilité. Car la mobilité demande une capacité d’adaptation, de projection, de connaissance des lieux, aux facilités d’usage des transports qui le desservent, à la représentation que chacun se fait des lieux à emprunter, etc. et finalement d’aisance sociale.
Ainsi dans les transports, selon la Fondation de France, les personnes isolées se sentent moins en sécurité que le reste de la population (27% contre 17%).
Pour les personnes isolées, la mobilité est aussi source d’angoisse et d’anxiété. Contrairement au reste de la population qui voit les déplacements comme un moment pour soi ou une occasion d'échanger. Les personnes isolées, elles, considèrent ces trajets comme des moments anxiogènes.
“La mobilité n’est plus seulement un choix, elle est devenue une impérieuse nécessité” Jean-Pierre Orfeuil
Finalement, chaque barrière renforce le sentiment de mise à l’écart. Et chaque renoncement contribue à creuser un peu plus l’isolement. Selon les mots de l’urbaniste Jean-Pierre Orfeuil, “la mobilité n’est plus seulement un choix, elle est devenue une impérieuse nécessité”.
Mais contre l'isolement social et la précarité mobilité, des solutions émergent du côté de la société civile. C'est ce que nous avons analysé ici.